« First time I met the blues », chantait et jouait Buddy Guy au début de sa carrière discographique. C’était à la fin des années 1950. Alors que le grand feu d’artifice du rock’n’roll battait son plein, un de ses géniteurs, le bon vieux blues, s’offrait une nouvelle jeunesse du côté de Chicago et du label Chess (entre autres), en dansant les deux doigts dans la prise électrique. Buddy Guy était l’un d’eux, et un des meilleurs.
Né en 1936 en Louisiane, plus jeune que les pionniers et génies insurpassables du blues qu’il a parfois accompagnés (Muddy Waters, Howlin’Wolf, BB King…), Buddy Guy aurait pu être un rocker. Avec sa voix poussée dans le rouge, sa guitare lyrique et urgente, jouée comme si les cordes lui brûlaient les doigts, sa rythmique funky et des concerts déchainés, il est devenu une influence reconnue pour les plus grands noms du rock biberonné au blues, de Hendrix à Led Zeppelin en passant par les Rolling Stones.
Puis les années ont passé et le blues est passé de mode. Malgré ses tentatives de rester dans le coup en fondant son blues dans la soul, Buddy Guy a traversé une partie des années 70 et 80 sous les radars de la gloire. Son salut est arrivé au début des années 1990, avec la signature sur le label Silvertone. Un nouvel âge d’or s’ouvre alors pour le blues, assurément ravivé par le grand retour de John Lee Hooker avec l’album The Healer en 1989. Buddy Guy aussi effectue son come-back, et y va crescendo, commençant par reprendre ses marques sur quelques albums funky et festifs, avant de se lâcher et de retrouver la fougue et la liberté de ses années de jeunesse. Buddy Guy n’a jamais sorti autant de disques, et de bons disques, que depuis les années 90-2000, dégainant un album quasiment tous les deux ans.
Au début des années 2000, il surfe sur les deux tendances du moment, s’essaie au blues électrique hypnotique façon Junior Kimbrough sur Sweet Tea, puis se livre comme rarement, en acoustique, sur Blues Singer. Ces deux albums atypiques sont des classiques de sa discographie. Buddy Guy n’est pas le premier à le prouver mais il sera peut-être le dernier : le blues se bonifie avec l’âge de ses interprètes. Devenu un vétéran, ultime survivant de sa génération encore en activité, il enchaîne des albums qui défient le temps et clame aujourd’hui, sur un album qui sort le jour de ses 89 ans, qu’il n’en a jamais fini avec le blues.